Lorsque l’on m’a tendu ce document, tout s’est arrêté autour de moi un instant. Je tenais entre les mains une carte de rationnement de la Grande guerre ; des coupons que l’on échangeait contre des portions de vivres pour survivre à une période de pénurie liée aux conséquences de la guerre. Ce que nous considérons aujourd’hui comme trop fréquent dans notre alimentation (viande et laitages), ne l’a pas toujours été, bien au contraire. Nous le savons pourtant, mais nous avons la fâcheuse tendance à l’oublier et un tel bout de papier nous le rappelle avec force. Minute de gratitude.
C’est avec grand respect que j’examine ce carnet de lait et de viande et détaille la couverture. J’ouvre avec précaution le premier volet du document comme si je tenais là un objet sacré tout droit sorti de sa cloche de verre muséale et mon regard s’accroche sur les formes harmonieuses d’une femme presque nue. En face de moi, le propriétaire de ce carnet de viande détourné me sourit, heureux de son coup monté, mais plus fier encore de son trésor.
Cette petite revue érotique comprend trois images coquines et revêt l’aspect d’un document officiel. D’après mes recherches, la censure imposée durant la première guerre mondiale nous indique que ce papier a certainement vu le jour dans les années 1920 lorsque la libération des mœurs prend de l’ampleur. Cette décennie est également l’âge d’or de la carte postale tous genres confondus. On s’envoyait alors des cartes de vœux aux photographies artistiques, romantiques ou érotiques avec un mot doux. Le tout dans une enveloppe bien évidemment, afin de préserver les pudeurs et les secrets.
Rose