Imaginez une méchante gueule de bois. Une de ces gueule de bois où vous passez la journée la tête dans les mains, les yeux rivés sur les aiguilles d’une horloge, espérant que les heures passent et vous délivrent de ces affreuses nausées.
Depuis le début de ma (deuxième) grossesse, voilà à peu près l’état dans lequel je me trouve. Ô joie.
Matin, après-midi, soir, les nausées surgissent à toute heure, et viennent faire de petits coucous à mon estomac agonisant, qui lutte pour garder son contenu en place. Ce phénomène toucherait jusqu’à 80% des femmes enceintes, apparemment. Intriguée, me voilà sur Google, tapant les mots « cause, nausée, grossesse ». Le premier article à surgir est celui du Figaro-santé, publié en 2012. «Super», je me dis, trop contente d’échapper à Doctissimo. Je me mets à lire avec intérêt. Et puis soudain mes yeux se mettent à cligner.
Bien qu’il soit admis que, bon, les nausées puissent éventuellement avoir des causes biologiques (telles que les trois tonnes d’hormones que l’on reçoit), elles pourraient tout aussi bien être d’ordre psychologique.
Ce serait même un facteur central, pour le Dr Jean Marty, secrétaire général du Syndicat national des gynécologues obstétriciens de France : «les psychiatres parlent d’une manifestation d’hystérie. Depuis qu’elles sont toutes petites, on dit aux femmes qu’elles doivent faire des enfants. La grossesse est donc perçue et vécue comme l’aboutissement de ce qu’on leur a enseigné. Les nausées deviennent une forme (…) d’expression de cette pression sociale et de cette obsession de la grossesse.» Et ce n’est pas tout. Marc-Alain Rozan, gynécologue obstétricien en Île-de-France, parle d’un «rejet symbolique de grossesse, qu’on diagnostique en regardant le passé de la patiente pour savoir si elle a fait une fausse couche, si elle a connu une mort fœtale ou l’expérience d’une IVG. (…)».
Les explications émanant de ces éminentes têtes grises me laissent sans voix. Une névrose ! de l’hystérie ! Évidemment, les maux des femmes, ces êtres régis par les hormones et les émotions, et souvent incapables de raisonnement, ne peuvent être que d’ordre psychologique.
Bêtement, j’avoue avoir pensé dans un premier temps, que le fait que les nausées touchent une écrasante majorité de femmes enceintes pouvait signifier qu’il existait une cause biologique à ce calvaire. Des restes d’instinct animal ou que sais-je. L’apparition fréquente des nausées avant que les femmes ne sachent qu’elles sont enceintes, ou le fait qu’elles soient toutes touchées par le même symptôme, m’avait aussi induite en erreur. Mea culpa. C’était oublier les déviances des femmes.
Ah, parfois je me mets à penser à un monde où ce sont les hommes qui portent les enfants. Dans ce monde, soyez-en sûrs, les articles de ce genre n’existeraient tout simplement pas et on inventerait de nouveaux médicaments pour supprimer tous les désagréments possibles.
Mais il n’en n’est rien. Alors mesdames, lorsque vous aurez la tête au-dessus de la cuvette, que vous vous réveillerez nauséeuses au possible, ballonnées et désespérées, n’oubliez pas. Tout cela se passe dans votre tête ! Souriez à la vie et elle vous sourira.
Irma
Photo : 2017 /// Jerry Kieswetter /// Unsplash